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Ruptures conventionnelles : pourquoi le gouvernement serre la vis ?


Créée en 2008, la rupture conventionnelle (RC) est devenue l’un des outils les plus utilisés pour mettre fin à un CDI à l’amiable. Elle permet à un salarié et à son employeur de se séparer d’un commun accord, tout en garantissant au salarié une indemnité et l’accès à l’assurance-chômage.

Mais ce dispositif, plébiscité pour sa souplesse, est aujourd’hui dans le viseur du gouvernement. En cause : un coût jugé trop élevé pour l’assurance-chômage et des dérives possibles dans son utilisation. Alors que les discussions autour du budget 2026 s’intensifient, la question est claire : faut-il encadrer davantage un système qui a pourtant contribué à pacifier les relations de travail ?


Illustration d’un employé signant une rupture conventionnelle dans un bureau, symbolisant le climat social tendu autour de la réforme du travail en France.


Rupture conventionnelle : Un dispositif qui a séduit salariés et entreprises


Le succès de la rupture conventionnelle ne se dément pas. Selon la DARES, plus de 130 000 ruptures conventionnelles ont été homologuées au deuxième trimestre 2025, soit une progression notable sur un an. En 2024, ce chiffre dépassait déjà les 500 000 ruptures annuelles.

Si ce mode de séparation connaît un tel engouement, c’est parce qu’il offre une alternative simple et équilibrée :

  • pour le salarié, une porte de sortie sécurisée, sans passer par la démission ;

  • pour l’employeur, un cadre juridique souple, sans procédure conflictuelle ni contentieux.

C’est un modèle qui, depuis plus de quinze ans, a trouvé sa place dans la culture du travail française. Mais ce succès n’est pas sans revers.


Quand la facture s’alourdit pour l’assurance-chômage


Selon une note de l’Institut des politiques publiques (IPP), les ruptures conventionnelles représenteraient près d’un quart des dépenses d’assurance-chômage en 2024, soit environ 9,4 milliards d’euros.

Ce montant, difficile à ignorer dans un contexte de rigueur budgétaire, a fait réagir le gouvernement.

Pour l’exécutif, certaines pratiques posent question :

  • des licenciements déguisés, lorsque la RC remplace un départ forcé ;

  • des reconversions mal préparées, qui allongent la durée d’indemnisation ;

  • ou encore des départs anticipés utilisés pour alléger les effectifs avant la retraite.

Autrement dit, un dispositif censé favoriser la flexibilité pourrait, dans certains cas, se transformer en outil de gestion du chômage à court terme.


Des réformes sur la table


Face à ces constats, le gouvernement envisage plusieurs ajustements :

  • Allonger le délai de carence avant l’ouverture des droits à l’assurance-chômage ;

  • Durcir les conditions d’indemnisation, notamment pour les ruptures répétées ou opportunistes ;

  • Augmenter la contribution employeur, afin de décourager les usages abusifs ;

  • Et renforcer les contrôles administratifs sur les conventions signées.

L’objectif affiché est de préserver l’équilibre du système d’assurance-chômage, sans pour autant supprimer un dispositif devenu essentiel à la vie économique.

Mais du côté des partenaires sociaux, la prudence domine. Les syndicats redoutent un effet domino : si la rupture conventionnelle devient trop contraignante, certains employeurs pourraient revenir à des licenciements classiques — plus longs, plus risqués et souvent plus conflictuels.


Salariés, entreprises et finances publiques : chacun son enjeu


Pour les salariés, la réforme pourrait rendre la RC moins attractive. Le dispositif, jusque-là synonyme de liberté, deviendrait plus rigide, avec des délais et conditions plus lourds. Certains y voient déjà un frein à la mobilité professionnelle, voire à la reconversion.

Pour les entreprises, l’inquiétude est différente :une hausse de la contribution financière ou une procédure plus encadrée viendrait alourdir le coût du départ négocié. Cela risquerait de rallonger les discussions ou d’inciter certains employeurs à opter pour des licenciements pour motif personnel.

Quant aux finances publiques, le calcul est délicat :resserrer le dispositif permettrait sans doute de réduire la dépense, mais trop de contraintes pourraient déséquilibrer le marché du travail. Moins de ruptures conventionnelles, c’est aussi potentiellement plus de contentieux, plus de tensions, et donc une perte de confiance dans un mécanisme pourtant consensuel.


Un symbole du dialogue social à préserver


La rupture conventionnelle est souvent présentée comme un symbole de maturité sociale : une manière apaisée de mettre fin à une collaboration. En la réformant, le gouvernement envoie un message politique fort : celui d’un retour à la rigueur budgétaire et d’un contrôle renforcé des dispositifs jugés coûteux.

Mais attention à ne pas casser un équilibre fragile. Ce système repose avant tout sur la confiance et la volonté commune des deux parties. Le durcir à l’excès risquerait de raviver les tensions que la RC avait justement contribué à apaiser.



Les prochains mois s’annoncent décisifs. Entre volonté politique et tensions sociales, la rupture conventionnelle se retrouve à la croisée des chemins. Ce qui se joue aujourd’hui dépasse un simple ajustement juridique : c’est l’avenir même du dialogue social français qui est en question.

Salariés, employeurs, partenaires sociaux, tous devront se mobiliser pour sauver l’esprit du dispositif : un équilibre fragile entre liberté et protection, entre confiance et responsabilité. Car si cette réforme bascule du côté de la contrainte, c’est toute une culture du compromis qui pourrait s’effondrer.

Préserver un outil équitable, lisible et durable, sans trahir la souplesse qui en a fait sa force : voilà le véritable défi des mois à venir.



Sources – novembre 2025

  • Le Monde, « Les ruptures conventionnelles, un dispositif au succès grandissant qui a un coût pour les finances publiques », 4 novembre 2025.

  • L’Express, « Emploi : quand les ruptures conventionnelles remplacent des démissions », 5 novembre 2025.

  • Journal du Net, « Ruptures conventionnelles : vers une hausse du coût pour les entreprises dans le budget 2026 », 3 novembre 2025.

  • Institut des Politiques Publiques (IPP), Note n°117 « Rupture conventionnelle et licenciement : conflit ou coopération ? », novembre 2025.

  • AEF Info, « Les ruptures conventionnelles n’ont que faiblement remplacé les licenciements pour motif personnel », 4 novembre 2025.

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